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essence du christianisme

chrétien, pour le païen que l’existence d’un Dieu païen qui soit certaine, réelle. Le païen ne doutait pas de l’existence de Jupiter, parce qu’il n’était pas choqué de la nature de ce dieu ; il ne pouvait se représenter la divinité sous aucune autre manière d’être, et cette manière d’être lui paraissait seule sublime et divine. La vérité de l’attribut est la seule caution de l’existence.

Ce que l’homme regarde comme vrai, il se le représente immédiatement comme réel, parce que dans l’origine il n’y a de vrai pour lui, vrai dans le sens de non rêvé, non figuré, que ce qui existe réellement. L’idée de l’existence est l’idée première, originelle de la vérité ; ou bien, l’homme fait d’abord dépendre la vérité de l’existence, et plus tard l’existence de la vérité. Eh bien ! Dieu est l’être de l’homme contemplé comme la plus haute vérité ; il est donc aussi divers, ou, ce qui est la même chose, la religion est aussi diverse que sont diverses les déterminations sous lesquelles l’homme conçoit sa propre nature ; et comme ces déterminations sont essentielles à l’homme, que sans elles il n’existerait pas, qu’elles sont pour lui la vérité, il s’ensuit qu’en Dieu, puisqu’elles sont les mêmes, elles sont aussi la vérité absolue et, par conséquent, la plus haute existence. De là pour chaque religion la certitude de l’existence de Dieu est une certitude immédiate. Aussi nécessairement le Grec était Grec, aussi nécessairement Grecs étaient ses dieux, aussi nécessairement certaine était leur existence pour lui. La religion est la contemplation de l’essence de l’homme et du monde, contemplation identique, complètement d’accord avec la nature humaine. L’homme n’est pas élevé au-dessus de sa manière