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essence du christianisme

reconnaitre, ils s’imposent à lui, ils se prouvent immédiatement à son intelligence comme vrais par eux-mêmes, ils sont leur propre affirmation, leur propre caution. Bonté, justice, sagesse ne sont pas des chimères parce que l’existence de Dieu est une chimère, ni une vérité parce que cette existence est une vérité. Dieu est dépendant des idées de sagesse, de justice, de bonté, etc., car un dieu qui ne serait ni bon, ni sage, ni juste, ne serait pas un dieu ; mais le contraire n’a pas lieu : une qualité n’est pas divine parce que Dieu la possède ; Dieu doit la posséder, parce que sans elle il serait un être imparfait. Une qualité se reconnaît par elle-même, on ne connaît Dieu que par la qualité, la détermination, et ce n’est que dans le cas où je regarderai Dieu et la justice comme un même être, là où je penserai Dieu comme la réalisation immédiate de l’idée de justice ou de toute autre qualité que je pourrai connaître et définir Dieu par lui-même. Lorsque Dieu comme sujet est le déterminé, et l’attribut le déterminant, ce n’est pas au sujet, mais à l’attribut qu’appartient en vérité le rang d’ètre suprême, de divinité.

Lorsque des qualités diverses et en contradiction les unes avec les autres sont réunies dans un même être, et que cet être est conçu comme personnel ; lorsqu’on fait ressortir cette personnalité, alors on oublie l’origine de la religion, on oublie que ce qui, dans l’imagination, est un attribut distinct et séparable du sujet est primitivement le sujet véritable. Les Grecs et les Romains ont divinisé des accidents comme substances, des vertus, des affections du cœur comme des êtres indépendants. L’homme, surtout l’homme religieux, est pour lui-même la mesure de toutes choses, de toute réalité.