Page:Feuerbach - Essence du Christianisme, 1864.pdf/59

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
48
essence du christianisme

Tout ce qui en impose à l’homme, tout ce qui produit sur lui une impression particulière, — fût-ce même un son étrange, inexplicable, — il se le représente comme un être particulier, divin. La religion embrasse tous les objets du monde. Tout ce qui peut exister a été l’objet de l’adoration religieuse. La peur même et l’effroi ont eu dans Rome leurs temples. Pour les chrétiens, des phénomènes du cœur ont été des êtres, des sentiments les qualités mêmes des choses, les affections qui les dominaient des puissances gouvernant le monde. Les démons, les spectres, les sorciers, les anges ont été des vérités sacrées tant que l’imagination religieuse a régné sans partage sur l’humanité.

Pour se débarrasser de l’identité des attributs divins et des attributs de la nature humaine, et par là de cette vérité que l’essence de Dieu est la même que l’essence de l’homme, on a recours à cette idée que Dieu, comme être infini, possède une infinité d’attributs divers dont nous ne connaissons maintenant que quelques-uns analogues et semblables aux nôtres, et dont les autres ne pourront être connus de nous que plus tard, c’est-à-dire dans une autre vie. Mais un nombre infini d’attributs réellement divers, assez différents pour que l’existence et la connaissance des uns n’entraîne pas immédiatement l’existence et la connaissance des autres, ne peut se réaliser et se maintenir que dans un nombre infini d’êtres divers ou individus. Ainsi la nature humaine est infiniment riche en qualités diverses, justement parce qu’elle est infiniment riche en individus différents. Chaque homme nouveau est un nouvel attribut, un nouveau talent de l’humanité. Autant il y a d’hommes, autant il y a de forces, autant