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essence du christianisme

lorsqu’elle dit, par exemple, que Dieu est une personne, qu’il est le législateur moral, le père des hommes, le saint, le bon, le juste, le miséricordieux. De plus, ces attributs ne sont pas pour la religion des images que l’homme se fait de Dieu, et différentes de ce que Dieu est en lui-même ; ce sont des vérités, des réalités. Ils ne peuvent ètre regardés comme des images, des représentations, que par la raison sceptique qui, étudiant la religion, la nie même lorsqu’elle veut la défendre. Ce sont même les attributs qui répugnent à la raison qui conviennent le mieux à la nature divine. Pour la religion, qui est une affection purement subjective, tous les sentiments, toutes les affections sont en réalité d’essence divine ; même la colère ne lui paraît pas indigne de Dieu, pourvu que le mal n’en soit ni la cause ni le but.

Ici il faut remarquer (et c’est là un phénomène qui caractérise l’essence la plus intime de la religion) que plus Dieu est humain dans son être, plus en même temps paraît grande la distance qui le sépare de l’homme, plus tout ce qui est humain est rabaissé et plus l’unité, de la nature divine et de la nature humaine est niée par la théologie et la spéculation religieuse. La raison en est claire. Si le positif, l’essentiel dans la détermination de la nature de Dieu est emprunté à la nature de l’homme, l’homme sera dépouillé de tout ce qu’on donnera à Dieu. Pour que Dieu soit enrichi, l’homme devra être appauvri ; pour que Dieu soit tout, l’homme devra n’être rien. Mais il n’a pas besoin d’être quelque chose par lui-même, puisque tout ce dont il se dépouille, loin de se perdre en Dieu, y est au contraire conservé et porte intérêt. Tout ce dont il sent la perte en lui-