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essence du christianisme

buts divins parce qu’ils s’accordent tous avec l’idée abstraite de la divinité, parce qu’ils doivent tous avoir en commun ce qui fait de chacun d’eux en particulier un attribut de Dieu. Il en est ainsi chez Spinoza ; il parle d’une infinité d’attributs de la divine substance, mais hors ceux de la pensée et de l’étendue, il n’en nomme aucun. C’est qu’il est tout à fait inutile d’en connaître d’autres ; ces deux seuls en disent plus qu’une infinité. Pourquoi la pensée est-elle un attribut de la substance ? Parce que, d’après Spinoza, elle est intelligible par elle-même, parce qu’elle exprime quelque chose d’indivisible, de parfait, d’infini. Pourquoi l’étendue en est-elle aussi un ? Parce qu’en elle-même elle exprime la même chose. Ainsi la substance n’a un nombre indéterminé d’attributs que parce qu’ils sont tous nécessairement égaux, ou mieux : la substance n’a d’innombrables qualités que parce que, — chose étrange —, elle n’en a aucune déterminée, réelle. L’unité indéfinie de la raison est ainsi développée par la pluralité indéfinie de la fantaisie : parce que l’attribut n’est pas un multum, on en fait un multa.

Si maintenant il est prouvé que l’être ou le sujet repose sur ses propres déterminations, c’est-à-dire que l’attribut est le vrai sujet, il sera également prouvé que, si les attributs divins sont des attributs de la nature humaine, leur sujet Dieu est aussi un être humain. Mais les attributs de Dieu sont d’un côté généraux, de l’autre personnels. Les attributs généraux sont les attributs métaphysiques, ils ne caractérisent qu’imparfaitement la religion ; les attributs personnels seuls en fondent l’essence, et c’est surtout par eux que la religion fait connaître sa manière de concevoir l’être divin,