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essence du christianisme

l’activité humaine, il en fait en vérité l’activité la plus réelle, la plus sublime. Celui qui fait agir Dieu à la façon de l’homme, celui-là dit : Un Dieu qui n’agit pas moralement, humainement, n’est point un Dieu, et ainsi il fait dépendre l’idée de Dieu de l’idée de l’activité et précisément de l’activité humaine, parce qu’il n’en connaît pas de plus élevée.

L’homme — tel est le mystère de la religion — place son propre être en dehors de lui et se fait ensuite objet de la pensée de cet être métamorphosé en sujet, en personne ; il se pense, mais comme objet de la pensée d’un autre étre, et cet étre, c’est Dieu. Que l’homme soit bon ou méchant, cela n’est point indifférent à Dieu, bien loin de là ! Dieu est vivement intéressé à ce qu’il soit bon, à ce qu’il soit heureux, car sans le bien, pas de bonheur. L’homme fait de ses actions et de ses intentions l’objet de la pensée de Dieu, il se fait le but de Dieu, — car ce qui est objet dans la pensée est but dans l’action ; — il réduit l’activité divine à n’être plus qu’un moyen de salut pour lui même ; ainsi, tout en paraissant se mettre au comble de l’abaissement, il se met en réalité au plus haut degré d’élévation ; il n’a que lui-même pour but en Dieu et par Dieu, et l’activité divine ne diffère en rien de la sienne propre.

Comment, en effet, l’activité divine pourrait-elle agir en moi et sur moi si elle était essentiellement différente de la mienne ? comment pourrait-elle avoir pour but l’amélioration et le bonheur de l’homme si elle n’était pas humaine ? L’action n’est-elle pas déterminée par le but ? Quand l’homme se propose son amélioration morale, il a alors un dessein divin ;