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essence du christianisme

il prend une résolution divine ; mais quand Dieu se propose le salut de l’homme, il a des desseins humains, et par conséquent une activité humaine. L’homme n’a donc pour objet en Dieu que sa propre activité ; mais parce qu’il regarde cette activité comme différente de la sienne ; parce qu’il contemple le bien comme existant en dehors de lui, comme objet extérieur, il reçoit nécessairement toute impulsion morale, non de lui-même, mais de cet objet. Puisque c’est en dehors de lui-même qu’il contemple son propre être comme l’être bon par excellence, il est clair — et ce n’est qu’une tautologie — qu’il ne reçoit l’impulsion vers le bien que de là où il place ce bien lui-même.

Plus Dieu est subjectif, plus il est humain, plus en même temps l’homme se dépouille de sa propre subjectivité, de sa propre humanité, mais pour les reprendre ensuite. De même que l’activité artérielle pousse le sang jusqu’aux extrémités du corps, d’où il est ramené au cœur par l’activité des veines, de même que la vie consiste en une systole et une diastole perpétuelles, de même la religion. Dans la systole religieuse, l’homme repousse loin de lui sa propre nature, il se rejette lui-même ; dans la diastole religieuse, il reprend dans son cœur cet être qu’il avait rejeté, il rentre en possession de lui-même. Dieu est le seul être actif, agissant par lui-même : — voilà dans la religion l’effet de la force de répulsion ; Dieu est l’être agissant en moi, avec moi, par moi, pour moi, le principe de mon salut, de mes bonnes intentions et de mes bonnes actions, par conséquent mon propre bon principe, mon être même : — voilà l’effet de la force d’attraction religieuse.