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essence du christianisme

gence se dérobent aux tourments des passions et aux excès des hommes de sentiment ; ils ne s’éprennent avec ardeur pour aucun objet fini, déterminé ; ils ne s’engagent point, ils sont libres : « N’avoir besoin de rien et par-là ressembler aux dieux immortels, ne pas se laisser dominer par les choses, mais les dominer soi-même, » telles sont, avec d’autres semblables, les maximes des hommes de pure intelligence. La raison est en nous l’être neutre, indifférent, incorruptible, la lumière pure de l’esprit ; elle est la conscience nécessaire de la chose comme chose, parce qu’elle est elle même de nature objective ; la conscience de tout ce qui est vide de contradiction, parce qu’elle est elle même l’unité sans contradiction, la source de l’identité logique ; la conscience de la loi, de la nécessité de la règle, de la mesure, parce qu’elle est elle-même l’activité de la loi comme force agissant sur elle-même, la règle des règles, la mesure de toutes les mesures. Ce n’est que par la raison que l’homme peut agir contradictoirement à ses sentiments les plus chers, c’est-à-dire à ses sentiments personnels. Le père qui comme juge condamne à mort son propre fils, parce qu’il le reconnaît coupable, ne peut le faire qu’en tant qu’homme de raison et non pas en tant qu’homme de sentiment. La raison nous montre les défauts et les faiblesses même de ceux que nous aimons, même les nôtres propres. C’est pour cela qu’elle nous met si souvent en lutte avec nous-mêmes, avec notre cœur. Nous ne voulons pas exécuter ses jugements vrais et justes, mais durs et inexorables, soit par faiblesse pour nous, soit par égard pour les autres. La raison est en nous la faculté propre de l’espèce ; elle s’occupe des affaires