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essence du christianisme

pénétrer les mystères. Il faut donc prouver que cette opposition, cette discorde entre Dieu et l’homme n’est qu’une opposition de l’homme avec lui-même, avec son propre être,

Cette assertion contient déjà sa preuve en elle-même. En effet, si l’être divin, objet de la religion, était autre que l’être de l’homme, une séparation, un désaccord ne pourraient avoir lieu. Si Dieu est réellement un autre être, que m’importe sa perfection ? Un désaccord, une scission ne peuvent se produire qu’entre des êtres qui, malgré leur séparation réciproque, peuvent être un, doivent être un et par conséquent ne font qu’un. De ce principe général il résulte que l’être avec lequel l’homme se sent en désaccord doit être inné en lui, mais en même temps d’une autre nature, d’un autre mode que l’être dont il reçoit le sentiment, la conscience de sa réconciliation et de son unité avec Dieu, ou, ce qui est la même chose, avec lui-même.

Cet être n’est pas autre chose que l’intelligence ou la raison. Dieu, conçu comme extrême de l’homme, comme non humain, c’est-à-dire comme non personnellement humain, n’est que l’essence même de la raison dont on fait un objet, un être extérieur. Dieu, l’être divin, pur, parfait, est la conscience que la raison a d’elle-même, la conscience qu’a la raison de sa propre perfection. La raison ne connaît rien des souffrances du cœur ; elle n’a aucun désir, aucune passion, aucun besoin et par cela même aucun manque et aucune faiblesse comme le cœur. Les hommes de pensée pure, ceux qui d’une manière d’autant plus caractéristique qu’elle est plus prononcée, nous révèlent et personnifient pour nous l’essence de l’intelli-