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Page:Feuerbach - Essence du Christianisme, 1864.pdf/85

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essence du christianisme

va jusqu’à s’oublier lui-même dans la contemplation des choses extérieures. Les chrétiens se moquaient des philosophes païens, parce qu’au lieu de penser à eux-mêmes, à leur salut, ils ne s’étaient occupés que de ce qui n’était pas eux. Le chrétien ne pense qu’à lui. L’intelligence étudie avec autant d’enthousiasme la puce, le pou, que l’homme même l’image de Dieu. La raison est l’indifférence absolue, l’identité de toutes les choses et de tous les êtres. Ce n’est pas au Christianisme, ce n’est pas à l’enthousiasme religieux, mais à l’enthousiasme de la raison que nous sommes redevables de l’existence d’une botanique, d’une minéralogie, d’une physique et d’une astronomie. En un mot, l’intelligence est un être universel, panthéistique ; c’est l’amour de l’ensemble des ètres et des choses, tandis que le caractère propre de la religion, et surtout de la religion chrétienne, c’est d’être anthropothéistique, c’est d’être l’amour exclusif de l’homme pour lui-même, l’affirmation exclusive de la nature humaine considérée en elle-même indépendamment des choses extérieures. La raison s’occupe bien de la nature de l’homme, mais d’une manière objective, c’est-à-dire dans ses rapports avec les objets et pour les objets eux-mêmes, et l’exposition de ces rapports constitue la science. Il faut donc, pour que l’homme trouve dans la religion la paix et le bonheur, qu’elle contienne autre chose que l’essence de la raison pure, et ce quelque chose doit nous révéler sa nature intime, doit en être le noyau même, le cœur.

Le premier des attributs de Dieu dans toutes les religions et surtout dans le Christianisme est celui de la perfection morale. Mais Dieu conçu comme l’être moralement parfait n’est pas autre chose que l’idée de