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essence du christianisme

prendrait-il tant d’intérêt à son existence si son propre être n’y avait aucune part ?

Dans la religion l’homme cherche la satisfaction de ses désirs ; la religion est son bien suprême. Mais il lui serait impossible de trouver en Dieu la consolation et la paix, si ce Dieu était d’une nature tout à fait différente de la sienne. Il me serait impossible de partager le contentement intérieur d’un être si mon propre être n’était pas identique au sien. Tout ce qui vit ne sent de goût et de satisfaction que dans sa propre nature, dans son propre élément. Par conséquent, si l’homme trouve en Dieu la paix et le bonheur, c’est parce que Dieu est son être véritable, c’est parce qu’en Dieu seul il est réellement chez lui et qu’il reconnaît comme étrangères à sa nature toutes les choses dans lesquelles il cherchait jusqu’alors la satisfaction et le repos. Pour que l’homme soit heureux en Dieu il faut qu’il s’y trouve lui-même. « Personne ne trouvera la divinité et en même temps le bonheur, s’il ne la cherche pas comme elle-même veut être cherchée, c’est-à-dire dans la contemplation et l’étude de l’humanité dans le Christ. » Chaque être trouve le repos dans le lieu de son origine, de sa naissance : le lieu de ma naissance c’est la divinité ; la divinité est ma patrie. « Ai-je un père en Dieu ! oui, et non-seulement un père, mais encore mon propre être ; avant d’être en moi et par moi-même, j’étais déjà né dans le sein de la divinité. »

Un Dieu qui n’exprime que l’essence de la raison pure n’est point le Dieu de la religion, parce qu’il ne peut la satisfaire. La raison ne s’intéresse pas seulement à l’homme, mais encore aux êtres en dehors de l’homme, c’est-à-dire à la nature. L’homme d’intelligence pure