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LA RELIGION

les derniers venus, les plus dépendants de la nature, les plus compliqués dans leur organisation, les plus remplis de penchants et de besoins qui sont les plus parfaits. Un être qui a l’honneur de n’être précédé par rien a aussi l’honneur de n’être rien du tout. Mais les chrétiens sont très habiles dans l’art de faire avec rien quelque chose.

XIII

Toutes choses viennent de Dieu et en dépendent, disent les chrétiens, d’accord en cela avec leur foi ; mais, ajoutent-ils aussitôt, entraînés par leur raison impie, seulement d’une manière médiate. Dieu est la cause première, mais derrière lui s’étend à perte de vue l’innombrable armée des dieux subalternes ; après l’effet immédiat de sa volonté vient le gouvernement des causes secondes. Ces causes secondes sont en vérité les seules réelles et actives, les seules qui se fassent sentir. Un dieu qui ne donne plus la mort à l’homme avec les flèches d’Apollon, qui n’épouvante plus l’imagination avec l’éclair et la foudre de Jupiter, qui n’active plus les feux de l’enfer pour les pécheurs opiniâtres avec les comètes, les étoiles filantes ou d’autres météores ignés, qui ne dirige plus avec bienveillance de sa propre main l’aiguille de la boussole, qui ne produit plus le flux et le reflux des eaux, et ne protège plus les continents contre la puissance des mers qui les menacent sans cesse d’un nouveau déluge, un dieu, en un mot, qui est chassé de l’empire des causes secondes, n’est plus une cause que de nom, n’est plus qu’une simple hypothèse pour résoudre une difficulté de théo-