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II
PRÉFACE


des faits réels un peu défigurés par l’imagination, s’efforcent dans leurs commentaires, de faire paraître l’absurde raisonnable, l’obscur profond, l’arbitraire nécessité, l’imaginaire réel, le mystère naturel. Notre siècle surtout a été fécond en essais de ce genre, et, malgré l’impossibilité flagrante d’une résurrection de l’esprit religieux tel que l’ont connu les âges antiques, c’est par milliers que l’on compte les œuvres d’exégèse, les interprétations philosophiques des idées et des croyances traditionnelles. En vain le siècle précédent avait-il démontré l’incompatibilité absolue de la religion avec la science, l’histoire, le droit, le progrès, et révélé à tous les regards ce qu’il y a d’injurieux pour l’humanité dans les sacerdoces et les théocraties : sa critique est restée, pour la plupart des gens, comme non avenue, et, parce qu’on ne s’était pas donné la peine de le lire, on a reproduit à satiété des explications et des arguments réfutés mille fois. Qu’il n’eût pas embrassé le problème de la religion dans toute son étendue, on ne peut le nier ; mais les trois quarts de ceux qui l’ont repris aujourd’hui feraient bien de retourner à son école. Les journalistes bourgeois perdraient l’habitude de délayer dans des phrases insipides ce qu’il a exprimé avec tant d’esprit et de vigueur, et les croyants sincères regagneraient peut-être leur retard de cent années sur la marche de la pensée humaine. Nonotte, Patouillet, l’abbé Guénée, dans le camp religieux, valaient tout autant et même beaucoup mieux que nos Nicolas et nos Nicolardot. Dans