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LA RELIGION

hors de la portée de ma puissance. Détruire cette contradiction telle est la tendance, tel est le but de la religion. Et l’être dans lequel cette contradiction est détruite, dans lequel sont réalisées toutes les choses possibles pour ma pensée et mon imagination, mais impossibles pour mes forces, cet être, c’est l’être divin.

XXVI

Ce qui est au-dessus de la volonté et du savoir de l’homme est l’affaire originelle particulière, caractéristique de la religion, est l’affaire de Dieu. « J’ai planté, dit l’apôtre saint Paul, Apollon a arrosé, mais Dieu a donné la moisson ; ce n’est ni celui qui plante ni celui qui arrose, mais seulement celui qui accorde prospérité et réussite, qui a de la valeur. » « Nous devons louer et remercier Dieu, dit Luther, de ce qu’il fait croître le blé, et reconnaître que ce n’est pas à notre travail, mais à sa grâce et à sa bienveillance, que nous devons le pain, le vin et tous les fruits qui servent à notre nourriture et à notre conservation. » Hésiode dit aussi que l’homme des champs, après mille fatigues, recueillera une riche moisson si Jupiter veut bien couronner ses travaux par une bonne fin. Labourer, semer, arroser, tout cela dépend de moi ; mais récolter n’est pas en mon pouvoir ; la réussite, la récompense de mes efforts est entre les mains de Dieu. Mais qu’est-ce que Dieu ? Rien autre chose que la nature considérée comme un être que les prières peuvent émouvoir, et par conséquent doué de volonté. Jupiter est la cause des phénomènes météorologiques, mais ce n’est pas là ce qui constitue son caractère religieux,