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LA RELIGION

reste assurément toujours bien loin derrière les vœux de la religion ; il peut aller jusqu’à rendre la vie humaine plus longue, mais jamais il n’en fera une vie immortelle. — L’immortalité est un désir religieux illimité, irréalisable.

XXX

Dans les religions de la nature, l’homme s’adresse à des objets qui sont tout à fait en contradiction avec le sens et l’objet de la religion ; il y sacrifie en effet ses sentiments à des êtres insensibles, son intelligence à des êtres inintelligents ; il met au-dessus de lui ce qu’il voudrait pour ainsi dire fouler aux pieds ; il se fait l’esclave de ce dont il voudrait être maître ; il rend des honneurs à ce qu’au fond il abhorre ; il appelle à son secours précisément ce contre quoi il cherche protection. Ainsi les Grecs sacrifiaient aux vents pour apaiser leur fureur ; les Romains consacraient un temple à la fièvre ; les Tongouses, lorsque règne une épidémie, la supplient de vouloir bien épargner leurs cabanes ; les Indiens, à l’approche d’un orage, s’adressent au manitou, à l’esprit de l’air ; dans un voyage maritime, au manitou des eaux ; en général, beaucoup de peuples honorent expressément non pas l’être bon, mais l’être méchant ou qui leur paraît tel dans leur nature. C’est ce que l’on voit dans le culte rendu aux animaux nuisibles. L’homme va jusqu’à faire des déclarations d’amour à une statue, à un cadavre ; aussi ne faut-il pas