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LA RELIGION

XLVII

Quiconque n’a pas d’autres matériaux pour construire son Dieu que ceux que lui livrent les sciences naturelles, la philosophie, et en général la contemplation de la nature, quiconque ne voit en lui que la cause ou le principe des lois de la physique, de l’astronomie, de l’anthropologie etc., devrait avoir assez de sincérité pour se passer du nom de Dieu, car un principe naturel est toujours un être naturel, et non ce qui constitue un dieu. De même qu’une église dont on ferait un cabinet d’histoire naturelle ne serait plus et ne pourrait plus être appelée une maison de Dieu, de même un être dont l’essence et les attributs ne se révéleraient que dans des œuvres astronomiques, géologiques ou anthropologiques, ne serait point et ne pourrait point être un dieu. Dieu est un mot, un objet, un être religieux, et non pas un être physique, astronomique, en un mot, cosmique. « Dieu et culte, dit Luther, sont choses relatives ; l’un ne peut aller sans l’autre : car Dieu doit être Dieu d’un homme ou d’un peuple ; il veut des êtres qui l’honorent et lui adressent leurs prières. » Dieu suppose donc l’homme : son idée ne dépend pas de la nature, mais de l’homme religieux ; un objet de l’adoration n’existe pas sans un être capable d’adorer, c’est-à-dire Dieu est un objet dont l’existence n’est possible qu’avec l’existence de la religion, et qui ne contient rien de plus qu’elle. Faire de Dieu un objet de la physique ou de l’astronomie, c’est comme si l’on voulait faire du son un objet de la vue. De même que le son n’existe que dans et pour l’oreille, de même