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LA RELIGION

Dieu n’existe que dans et pour la religion ; de même que le son, en tant qu’objet de l’ouïe, n’exprime que la nature de l’ouïe, de même Dieu, en tant qu’objet, — et il ne peut être objet que de la religion et de la foi, — n’exprime que la nature de la foi et de la religion. Mais qu’est-ce qui fait d’un objet un objet religieux ? Comme nous l’avons vu, c’est la fantaisie, c’est l’imagination, c’est le cœur de l’homme. Que tu adores Jéhovah ou le bœuf Apis, le tonnerre ou le Christ, ton ombre ou ton âme, le flatus ventris ou ton génie, c’est tout un ; la religion n’a pour objet que ce qui est objet de la fantaisie et du sentiment ; et, comme cet objet n’existe pas dans la réalité, et de plus est en contradiction avec elle, il est par cela même objet de la foi. Telle est, par exemple, l’immortalité, simple affaire de foi : car la réalité prouve justement son contraire, la mortalité de l’homme. Croire, c’est se figurer que ce qui n’est pas est. C’est se figurer, par exemple, que cette image est un être vivant, que ce pain est chair, que ce vin est sang, c’est-à-dire qu’il est ce qu’il n’est pas. C’est donc trahir la plus grande ignorance de la religion que de chercher Dieu avec le télescope dans le ciel de l’astronomie, avec la loupe dans un jardin botanique, ou avec le scalpel et le microscope dans les entrailles des animaux. On ne peut le trouver que dans la foi, dans l’imagination, dans le cœur de l’homme, parce qu’il n’est pas autre chose que l’essence de la fantaisie, que l’essence du cœur humain.

XLVIII

« Tel est ton cœur, tel est ton dieu. » Tels sont