Page:Feuerbach - La Religion,1864.pdf/168

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
159
LA RELIGION

sous de l’homme, qu’il s’élève plutôt jusqu’à Dieu que jusqu’à lui-même, jusqu’à « des esprits » que jusqu’à l’esprit, qu’il arrive plutôt à l’être imaginaire qu’à l’être réel, à la religion qu’à l’humanité.

LVI

Qu’est-ce que l’invisible pour les religions ? C’est la cause des phénomènes sensibles encore insaisissable pour l’homme et hors de la portée de sa vue, en raison de son manque d’expérience et de son peu de connaissance de la nature. Qu’est-ce que le monde surnaturel ? C’est le monde des sens transformé et éternisé par la fantaisie et l’imagination, suivant les caprices et les besoins impérieux du cœur. C’est pourquoi l’homme, du moins ordinairement, n’est divinisé et adoré que lorsque la mort d’être visible a fait de lui un être invisible, c’est-à-dire d’être réel un être imaginaire. Le tombeau de l’homme est le berceau des dieux.

LVII

Si on l’examine au point de vue politique et social, la religion n’a pour fondement que la méchanceté des hommes, que le mauvais état des choses et des rapports de la société humaine. Parce que la vertu n’est pas toujours heureuse et récompensée, parce qu’en général il y a dans la vie mille contradictions, mille maux, mille calamités, il doit y avoir un ciel, il doit y avoir un Dieu. Mais le plus grand malheur de l’homme vient de l’homme lui-même. C’est seulement sur le manque de justice, de sagesse et d’amour dans