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LA RELIGION

culte catholique, tous les sens de l’homme peuvent être satisfaits : l’œil par des images, l’oreille par des chants, l’odorat par des parfums, le sentiment par des cérémonies de significations diverses. Cette richesse sensuelle n’est-elle qu’apparence, forme, accident ? Bien s’en faut ; elle est l’expression manifeste de la divinité catholique et de l’Église, dont le pape est la tête. Le pape est le remplaçant du Christ sur la terre, c’est-à-dire le dieu terrestre, réel et présent ; il n’est pas un être abstrait, mais un être qu’on peut voir, toucher et entendre. Dans l’Église protestante, au contraire, on n’a besoin que d’un seul sens, le sens de l’ouïe, pour les actes essentiels du culte. Pourquoi cette pauvreté et cette limitation ? C’est que le dieu réel du protestantisme n’est que la sainte Écriture, la parole de Dieu. Ce que dit la Bible, ce que le prêtre dit au nom et dans l’esprit de la Bible, c’est Dieu qui le dit. Or, c’est par l’oreille seulement que la parole nous est communiquée. L’essence de la parole révèle l’essence du protestantisme. L’être révélé par la parole n’est plus l’être en chair et en os, c’est l’être in abstracto, l’être spirituel. Quiconque n’existe que dans ses paroles ou dans ses actes, quand ces actes ne sont connus que par tradition, et non tous les jours renouvelés comme ceux des saints catholiques, celui-là n’existe plus pour nous, et quoique autrefois être réel, il n’est plus qu’un esprit, objet de la foi, de la pensée et de l’imagination. L’action transmise par tradition est morte, n’a plus qu’une importance historique ; vivante, éternelle, immuable, est la parole écrite, la doctrine. La parole surpasse le miracle, la doctrine l’action. Mais il n’y a pas loin de la parole à l’intelligence de la parole, c’est-à-dire du