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LA RELIGION

lui-même. Si la femme n’avait pas besoin de l’homme, elle ne pourrait pas non plus le satisfaire. Si elle y réussit, c’est que dans cette satisfaction de l’homme elle trouve elle-même sa propre joie. Qui n’a pas de sentiment pour soi n’en a pas non plus pour autrui. L’amour rend heureux les êtres qu’il possède, parce que chacun d’eux a la conscience qu’en agissant dans l’intérêt de l’autre il agit aussi dans le sien, qu’en lui faisant du bien il se rend à lui-même le plus grand bienfait. Perfection n’est pas absence de besoins ; perfection est satisfaction des besoins. La perfection du monde n’a pas son fondement dans l’existence imaginaire d’un être en dehors et au-dessus de lui ; elle se fonde sur ceci, que tous les êtres réels qui habitent l’univers ont besoin les uns des autres et se complètent.

LXIV

Les Grecs, dit Apulée, honorent leurs dieux par des danses et des chants, les Égyptiens par des lamentations. Ces quelques mots en disent plus sur la religion des deux peuples que de gros ouvrages bien savants, sur leurs mythologies. Le culte seul révèle l’essence d’une religion ou d’un dieu. Cela seul qui a la force de déborder à l’extérieur et de se manifester aux sens peut prétendre à la valeur d’un être réel et vrai ; ce qui ne se montre pas n’est qu’une vaine abstraction. Confiez-vous aux indications des sens, même dans un domaine d’où on a coutume de les bannir. Les sens sont d’infaillibles flambeaux, et ils projettent leur lumière dans les profondeurs les plus impénétrables de la religion et de la divinité. Ainsi, dans l’Église et le