Page:Feuerbach - La Religion,1864.pdf/193

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
184
LA RELIGION

haie autour d’un champ ; elle est le milieu propre, le centre d’un être. Tout dans la nature est ce qu’il est non par la matière dont il est composé, mais bien plutôt par la détermination de la matière indéfinie en soi, par les rapports, par le mode particulier d’agrégation des éléments, et c’est justement en cela que consiste la borne comme l’essence des choses. La manière dont sont disposées ces parties élémentaires change-t-elle, les choses changent elles-mêmes ? L’essence, la vie des êtres, est par conséquent mesure, forme, espèce, loi. Cette mesure ne s’étend pas seulement à la matière chimique, elle pénètre partout. Le rapport, par exemple, des éléments matériels qui composent ce poisson n’est pas seulement pesé ; mais son organisme, son corps tout entier a une forme qui le distingue des autres animaux, et qu’est cette forme sinon limitation et mesure ? Ses rapports avec l’extérieur ne sont pas non plus illimités ; il se meut, mais son mouvement est déterminé par sa forme ; il vit dans un climat particulier, dans un élément particulier, dans l’eau et non pas dans toute eau, mais dans telle ou telle eau. Cette vérité, tu peux la vérifier en toi-même, bien qu’elle y subisse quelques modifications provenant de la nature de l’esprit. Tu es un être moral, libre ; les autres hommes le sont également. La matière, l’élément qui te constitue comme être moral, c’est la volonté, la liberté. Comme élément la volonté est pareille chez tous les hommes ; avec et dans la même volonté que tu veux veut aussi l’autre. Mais par ta manière de vouloir cet élément commun à tous est spécifié, borné, différencié, en un mot, devient caractère. Comme le poisson vit dans une eau particulière, de même tu vis dans une