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LA RELIGION

cunes, ne vois pas la véritable ! Si tes idées sur la nature étaient réalisées, la vie ne serait interrompue ni par la mort ni dans l’espace, car les êtres qui vivent dans Saturne et dans Uranus ne réparent pas la perte de ceux qui meurent sur la terre. Toutes les vies devraient se continuer sans interruption les unes les autres. Cette plante qui vit sur la terre doit, d’après la sombre et mélancolique organisation de la nature ici-bas, voir bientôt finir sa vie ; eh bien ! cette vie devrait se continuer dans Uranus, au point où elle s’arrête ici, et comme ici elle se développe par des feuilles, des branches et des fleurs, les plantes célestes se continueraient en branches et en fleurs comme dans de fantastiques arabesques. La période dans Uranus une fois accomplie, elle recommencerait dans une autre étoile, et ainsi à l’infini. Mais les périodes célestes ne devraient contenir aucune forme différente des formes terrestres, car avec chaque changement il se ferait un vide, une lacune qu’il faudrait remplir. Ainsi le monde serait parfait s’il n’y avait aucun changement, parce qu’avec chaque changement quelque chose périt, et, comme toute vie repose sur le changement, ce n’est que dans le cas où il n’y aurait aucune vie que tu ne trouverais aucun manque, aucune négation de la vie.

Tout ce qui existe est borné et limité et ne peut pas être autrement. Existence, borne, limitation s’appellent l’une l’autre. Le néant seul est sans bornes. Chaque chose est une preuve de la vérité, de cette assertion. Contre le néant il n’y a qu’une seule arme possible, et cette arme, c’est la limitation ; voilà pour chaque chose le soutien, le retranchement de son être. En effet, la limite n’est pas quelque chose d’extérieur comme une