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LA RELIGION

mais en vérité : « L’âme se distingue elle-même d’avec le corps ; elle laisse le monde sensible pour se retirer dans son monde intérieur, et dans cette abstraction, dans ce rapport libre avec elle-même, dans cette unité exclusive qui rejette loin de soi le corps vivant lui-même, comme pure matière, comme chose indifférente, elle devient esprit, conscience. » Penses-tu que cette séparation de l’âme signifie autre chose que la distinction qu’elle fait elle-même entre elle et le corps, distinction par laquelle elle devient raison, conscience ? Eh bien ! tu te représentes les rapports du corps et de l’âme comme ayant lieu dans l’espace, et l’âme elle-même comme quelque chose de matériel. Quand tu dis qu’à la mort l’âme se débarrasse du corps, devient libre, tu fais de cette séparation spirituelle, essentielle, intérieure, une séparation sensible, de l’activité la plus sublime un événement particulier qui a lieu dans le temps et dans l’espace et qui commence à la mort. Si certaines maladies mentales de l’homme consistent en ce que pour lui ses imaginations deviennent des phénomènes réels, en ce qu’il se voit double comme un autre Sosie, en ce que sa propre image lui apparaît comme un être extérieur, indépendant, eh bien, ta croyance à l’immortalité dans le sens qu’à la mort l’âme quitte le corps réellement est une folie théorique, une maladie mentale. Car, de même que le fou donne un corps à ses conceptions imaginaires, en fait une réalité sensible, de même, en séparant l’âme du corps, tu la matérialises, tu fais de sa délivrance et de sa liberté, de son développement vers la raison, de la liberté et de la conscience, de cette action spirituelle, intérieure, de l’esprit lui-même, un état particulier, une passion,