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LA RELIGION

un événement soumis aux conditions de l’espace et du temps. Ta croyance à l’immortalité, en ce sens qu’elle repose sur la nature de l’âme, se fonde par conséquent sur une manière de la concevoir aussi matérielle que possible ; seulement ton matérialisme est d’une autre espèce que le matérialisme ainsi nommé ordinairement.

II

Ce en quoi l’infini n’habiterait pas ne pourrait pas mourir. — Désirer quelque chose après la mort est donc une erreur, une illusion. Si tu meurs, c’est parce qu’avant la mort se trouve tout ce que tu te figures devoir être après elle. La mort ne provient pas d’un manque, d’une pauvreté dans les choses, mais au contraire d’une trop grande abondance, et pour ainsi dire de leur satiété. C’est le poids de l’être infini qui fait éclater de toutes parts l’enveloppe de ton existence bornée.

Là où il n’y a aucun esprit, aucune liberté, aucun être intérieur, là il n’y a point de mort. La mort présuppose l’esprit. Tu meurs, parce que tu es un être libre et conscient. Conscience est scission ; cela seul a conscience qui peut s’opposer à soi, distinguer son être de soi, se subsumer sous lui comme quelque chose de particulier, de circonscrit, et se prendre soi-même pour objet. Est mort, tout ce qui n’est qu’objet. De même que par la pensée tu te sépares intérieurement de ton être, de même tu dois en être un jour séparé extérieurement, dans ton existence, car tout ce qui est spirituel, intérieur, essentiel, doit se révéler, se