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LA RELIGION

Puisque l’être immortel de l’homme, dans la croyance générale des peuples, n’est pas autre chose que l’image qui reste de lui après la mort, et que, d’un autre côté, les hommes dans la vie sont loin de se ressembler, il est naturel que l’imagination se représente les morts, — puisqu’ils vivent encore pour elle, — comme distincts encore les uns des autres, dans des lieux divers et dans des conditions différentes. Il y a donc parmi les âmes immortelles, comme parmi les hommes mortels, des riches et des pauvres, des nobles et des roturiers, des forts et des faibles, des courageux et des lâches, etc., et, par une conséquence nécessaire, des bons et des méchants, des heureux et des malheureux. C’est ce qui explique pourquoi, chez tous les peuples qui métamorphosent leurs conceptions en réalités, le mort emporte avec lui dans le tombeau ou livre à la flamme du bûcher tout ce qu’il possédait pendant la vie, l’homme sa femme, le maître ses esclaves, l’enfant ses joujoux, le guerrier ses armes, le chasseur son arc, ses flèches et ses chiens. Tout ce qu’ils aiment, tout ce dont ils ne peuvent se passer pendant la vie, dit César des Gaulois, ils veulent qu’à la mort ce soit brûlé avec eux. Et avec raison. Qu’est l’homme sans les choses qu’il aime, sans les occupations auxquelles il se livre ? Qui peut enlever à l’enfant ses joujoux, au guerrier ses armes, sans leur enlever en même temps l’âme et la vie ? Si par conséquent, dans la croyance à l’immortalité telle qu’elle se trouve chez tous les peuples, tu trouves la preuve de l’immortalité de l’homme, tu dois y trouver aussi la preuve de l’immortalité des animaux, des habits, des souliers, des armes et de tous les objets qui suivent les morts dans l’autre vie. Si je veux conserver vivant