Page:Feuerbach - La Religion,1864.pdf/258

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gine de la civilisation, dans le domaine des ténèbres et de l’ignorance. De même, depuis les progrès de l’astronomie, ils ont rejeté toutes les conditions imposées à l’autre monde par l’imagination religieuse ; mais ils n’en soutiennent pas moins l’existence de la vie et du monde futurs. Ce n’est plus qu’une idée sans fondement, puisque la civilisation lui a enlevé toute raison d’être ; ce royaume céleste n’existe plus que dans les vapeurs azurées de la fantaisie, comme autrefois le royaume des morts chez les Grecs, après qu’il eut perdu son existence terrestre par suite dû progrès des connaissances géographiques ; mais il est encore sacré et inviolable comme une relique du bon vieux temps. Il est des hommes qui gardent précieusement jusque dans un âge avancé les vêtements et les objets des jeux de leur enfance, et qui ne peuvent se séparer de ce qui autrefois a eu quelque valeur pour eux, bien que ce leur soit devenu désormais inutile. Ainsi fait l’humanité avec les idées et les coutumes de la religion. La culture ne pénètre pas en général au delà de la surface, chez les classes de la société dites cultivées ; elles ne lui accordent que juste ce qu’il faut pour laisser encore assez de place à l’ignorance et à la grossièreté, plus d’accord avec leur égoïsme et leurs intérêts personnels ; aussi l’écartent-elles le plus possible de leurs idées religieuses ; car ces idées ont le privilège de dorer leur égoïsme, de le couvrir d’un manteau sacré, et de diviniser sous le nom de crainte de Dieu leur crainte de perdre la vie et leur chère personnalité. C’est même lorsqu’une croyance n’a plus ni fondement ni nécessité, lorsqu’elle n’est plus qu’une affaire d’imagination, que l’expression d’une fantaisie rococo, c’est alors qu’elle se réfugie derrière