Page:Feuerbach - La Religion,1864.pdf/261

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toire. En effet, il est à remarquer que la première preuve spéculative de l’immortalité de l’âme humaine donnée par Platon et qui est restée le fondement de toutes celles que l’on a données dans la suite, a tout d’abord proclamé que l’âme n’avait pas de commencement, et qu’elle existait, par conséquent, avant cette vie. Mais l’homme, évidemment, n’a pas toujours existé, ou, s’il a eu une autre vie avant celle-ci, cette autre vie lui est complètement indifférente, parce qu’elle est en dehors de sa conscience et de son expérience ; de même, s’il existe après la mort comme il a existé avant la vie présente, cette existence d’outre-tombe est pour lui d’une indifférence absolue, ne peut pas se distinguer du néant. Les rationalistes chrétiens ont eu, à part quelques-uns, assez d’habileté et de prudence pour faire disparaître de leurs preuves de l’immortalité de l’âme la preuve de sa préexistence, parce que cette préexistence n’est évidemment qu’un fantôme. Et pourquoi n’est-ce qu’un fantôme ? Parce que le passé, en général, ne nous touche guère, tandis que l’avenir est l’objet de nos soucis, de nos inquiétudes et de nos espérances. La preuve de notre existence future est vraie, inattaquable, parce qu’elle s’appuie sur notre égoïsme ; la preuve de notre existence passée, bien qu’elle ait en théorie la même valeur, est insoutenable, fantastique, parce qu’elle n’a dans notre égoïsme aucun soutien. Les théologiens et les philosophes chrétiens ont fait de l’immortalité, question théorique et douteuse pour les philosophes païens, une affaire de religion, c’est-à-dire une affaire d’intérêt pour l’homme, une affaire de salut ; c’est pourquoi ils ont coupé en deux la preuve de cette doctrine et concentré toute