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leur intelligence, tout leur temps et toutes leurs forces sur la partie qui intéresse l’égoïsme de l’homme. Mais c’est un honneur pour Platon d’avoir, avec cette noble sincérité que le paganisme en général mettait à dévoiler ses vices et ses faiblesses, d’avoir, dis-je, donné sa preuve de l’existence future de l’âme sans chercher à la protéger au moyen des exceptions et des faux-fuyants de la rouerie pratique chrétienne.

L’IMMORTALITÉ AU POINT DE VUE DES RATIONALISTES OU DES CROYANTS INCRÉDULES

Le rationalisme a le même principe que le christianisme, mais seulement dans la théorie, non dans la pratique, en général mais non dans les cas particuliers, en imagination mais non en fait et en vérité. Le rationaliste croit aussi bien en Dieu que le chrétien : l’athéisme est pour lui une erreur, une folie grosse de mille conséquences funestes ; mais dans la pratique il est athée, là il s’explique tout sans Dieu, Son dieu n’est que l’expression de son ignorance ; là où il ne peut pas se rendre compte de quelque chose, là où l’intelligence lui fait défaut, comme au commencement du monde ou à l’origine de la vie organique, là il place Dieu, c’est-à-dire il s’explique l’inexplicable par un être inexplicable lui-même ; il agrandit et personnifie le manque de tout principe positif dans un être indéfini, sans fondement, et par cela même infini et tout-puissant. Mais cet être reste au dernier sommet de l’univers : dans le cours ordinaire des choses, tout va bel et bien naturellement. Dieu est pour lui le roi du monde, mais seule-