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XVIII
PRÉFACE

diffère de Feuerbach par la méthode, il en diffère encore plus par le caractère, et c’est ce qui explique son antipathie pour le philosophe allemand. Celui-ci traite son sujet surtout en vue de la philosophie contemporaine et dans le but de démasquer son impuissance ; il s’adresse moins aux croyants qu’aux rationalistes incrédules qui défendent la religion et sèment l’hypocrisie. M. Renan, qui a la prétention de s’adresser à un public d’élite, se borne à entretenir ses lecteurs dans la conscience de leur supériorité vis-à-vis de la foule crédule ; il trouve que tout est pour le mieux s’il y a toujours des gens occupés à faire des livres sur la bêtise des autres, et il ne veut pas qu’on l’accuse de porter atteinte aux croyances des âmes pieuses. Aussi quand, après avoir cité ces paroles de la préface de l’Essence du Christianisme : « Par ce livre, je me suis brouillé avec Dieu et le monde », il s’écrie doucereusement : « Nous croyons que c’est un peu de la faute de l’auteur, et que, s’il eût voulu, Dieu et le monde lui auraient pardonné », il fait preuve vraiment d’une indicible naïveté. Ce que Feuerbach dit par ironie et en souriant, ou, si l’on veut, avec un profond dédain, M. Renan, qui veut la paix à tout prix, le prend pour un aveu de regret et de repentir. Et quand, irrité de l’accusation croissante et formulée avec de plus en plus de force contre le christianisme par le même écrivain, il l’accuse d’orgueil et presque de folie, en ajoutant : « N’est-ce pas, après tout, l’humanité qui a fait les religions, et peut-on lui imputer à crime ce qui était dans