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LA RELIGION

ment le corps mais encore l’esprit, et il n’y a que des circonstances tout à fait favorables, — exceptions à la règle, — qui puissent garantir la femme contre les conséquences funestes de cet état contraire à la nature. Pourquoi ne demandez-vous donc pas un autre monde où le penchant le plus profond, le plus intime de la femme trouve enfin ses droits reconnus, puisqu’ici-bas il ne peut être satisfait ordinairement que d’une manière opposée à la nature et à la morale ? N’est-il pas ridicule, insensé de penser à remplir les lacunes imaginaires de la nature de l’homme, et de laisser de côté sans les voir les lacunes véritables de la vie humaine ! N’est-il pas ridicule de procurer à l’homme une seconde existence avant de songer à lui prêter secours dans l’existence actuelle ? C’est ainsi que les chrétiens modernes, d’ailleurs si mondains et frivoles, nous font voir, par leurs preuves de l’existence future, la vraie origine des maux de l’existence présente ; ils sacrifient la destination réelle de l’homme à une destination imaginaire, les besoins réels à des besoins fantastiques que l’on décore du nom de besoins religieux. Le rationaliste ne se contente pas d’être entièrement aveuglé sur les maux véritables de la vie humaine, non avec ses désirs surnaturels il plane au-dessus de la terre, il soutient que même les privilégiés, les heureux, ceux qui jouissent de tous les trésors des sciences et des arts, ne trouvent pas ici une satisfaction complète ! Quel artiste, s’écrie-t-il, peut embrasser tous les arts, quel savant toutes les sciences et quand même un, homme pourrait tout cela, combien de choses ignorerait-il encore qu’il voudrait pourtant connaître ? Le rationaliste invente ainsi pour l’homme une universalité de facultés