Page:Feuerbach - La Religion,1864.pdf/282

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
273
LA RELIGION

bien ce proverbe, chrétien fantasque, même pour ce qui regarde ton autre monde. L’homme est le cordonnier, et la terre sa forme.

Il en est du désir de connaître, de l’amour de la science, comme du sens artistique. Sans parler même de ce fait qu’il y a une infinité d’hommes qui n’ont aucun penchant pour la science, bien que ni les moyens ni les circonstances ne leur aient manqué pour l’éveiller en eux, qui regardent même la satisfaction de ce penchant comme une pure vanité, et trouvent qu’il y a presque de la folie à s’occuper de choses aussi étrangères à l’homme que le paraissent être les étoiles, les mousses, les infusoires, on peut dire que la tendance à la connaissance parvient à se satisfaire complètement, et même d’autant plus qu’elle est plus réelle et plus universelle. Cependant l’homme n’a, en général, qu’un goût dominant pour une branche particulière de la science, et cette seule branche absorbe, épuise ordinairement tout son désir de connaître ; de sorte qu’il regarde les objets de son étude comme les seules choses dignes d’être connues. De là la vanité ridicule et la vue étroite des savants de profession. Ainsi le philologue trouve dans son glossaire, l’historien dans sa chronique, le théologien dans l’Écriture sainte, le juriste dans son corpus juris, tout ce qui vaut la peine d’être étudié. Le théologien ne peut pas comprendre qu’au lieu de la Bible on étudie Aristote ou tout autre écrivain profane, le juriste qu’on applique son attention aux caprices de la nature et non aux caprices du droit, le critique littéraire ou musical qu’on puisse trouver le moindre plaisir à lire un poète et un penseur ou à entendre l’œuvre de compositeurs qui vivent encore, qui