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LA RELIGION

la tendance à la science, parce que le savoir seul les satisfait, ces individus ne sont qu’une exception apparente. L’esprit, la raison en général n’est rien d’indépendant, n’est rien de différent de l’homme. Telle est ma manière d’être, telle est ma manière de penser. Le type de mon individualité est aussi le type de ma raison. Nous sommes tous hommes, mais chacun de nous est un homme différent. Un accord parfait entre les hommes dans les affaires de croyance ou de foi ne peut être l’œuvre que d’une violente oppression ou d’une profonde hypocrisie. Nous pouvons bien nous approprier les idées des autres lorsqu’elles ne diffèrent des nôtres que dans des cas particuliers ; mais lorsqu’elles sont en contradiction avec notre nature, avec notre manière d’être en général, alors elles sont pour nous des poisons que nous ne pouvons nous assimiler. Les différences d’opinion dénotent des différences de nature, de caractère, de personnalité ; c’est pourquoi la haine contre les opinions d’un homme dégénère en haine personnelle, et de même le penchant pour ses opinions devient inclination pour sa personne ou la suppose déjà. Se mettre dans la tête qu’un théologien voudra bien reconnaître pour des rêves ses idées surnaturelles, c’est se figurer, d’après sa manière de voir, qu’il voudra bien d’ange devenir démon. Se figurer qu’en général un homme peut mettre de côté ses opinions ou ses croyances fondées sur sa nature propre, c’est se figurer qu’il peut se séparer de son être, se séparer de lui-même. Aussi jamais l’arrogance et la stupidité des savants ordinaires ne se montrent plus que dans leur critique et dans leur réfutation des œuvres qui sont en contradiction avec les idées anciennes, tra-