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LA RELIGION

n’est pas nécessaire. Non ! les œuvres les plus riches et les plus complètes sont celles qui contiennent sans les exprimer des conséquences inépuisables. Telle est aussi notre vie[1]. Nous n’avons pas besoin de développer nos talents jusqu’à leur complète et dernière expression ; leur but est atteint si nous en exprimons seulement les prémisses. Il n’est donc rien d’inutile et de superflu comme cette vie future qui ne fait que délayer, pour ainsi dire, et étendre jusqu’à l’infini les conséquences de l’aphorisme si riche et si parfait de notre vie terrestre, conséquences exprimées ici-bas en peu de mots, mais avec d’autant plus d’esprit et d’énergie.



  1. Très-peu d’hommes, il est vrai, meurent à un point où tout progrès de leur part puisse être regardé comme impossible : peu épuisent, pour ainsi dire, leur nature jusqu’à la dernière goutte ; la plupart auraient encore pu faire quelque chose s’ils avaient vécu plus longtemps ; mais on en peut dire autant des plantes et des animaux. La plus grande partie d’entre eux auraient pu continuer aussi à se développer si une cause quelconque de mort n’avait mis obstacle à ce développement. C’est un phénomène remarquable, quoique facile à comprendre, que les animaux atteignent un âge beaucoup plus avancé sous la protection de la providence de l’homme que dans l’état de liberté sous la protection de la providence divine, c’est-à-dire de la nature. — C’est là une preuve tout à fait populaire que dans la nature aucune puissance ne règne, si ce n’est celle de la nature elle-même, et que là où cessent la providence la raison de l’homme là cesse aussi toute providence en général, du moins dans notre nature, c’est-à-dire sur la terre.