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LA RELIGION

conscience de son talent et de sa véritable vocation.

Notre perfectionnement n’est qu’un développement de notre nature et ce développement ne fait qu’exprimer d’une manière de plus en plus claire, que mettre sous un meilleur jour nos qualités et nos défauts, en un mot ce que nous sommes. Le sens de notre être reste toujours le même, les mots seuls changent ; nous disons toujours la même chose, mais toujours plus clairement. Nous purifions par l’expérience les défauts de notre nature, nous devenons critiques ; mais malheureusement avec les défauts de la jeunesse nous ne perdons que trop souvent ses vertus. Comme tous les mystères de la théologie, notre tendance à une perfection croissante ne trouve que dans l’anthropologie son sens et sa solution : nous ne pouvons jamais en déduire un Dieu, un être céleste, surnaturel, si ce n’est là où l’on fait de cette tendance une tendance surnaturelle et fantastique, nous ne pouvons en tirer rien autre chose que l’homme. En un mot, ce penchant n’est pas un créateur ex nihilo, ce n’est qu’un architecte qui façonne et travaille la matière qu’il a sous la main.

La première œuvre écrite par l’homme, quelque défectueuse qu’elle soit, contient déjà toutes celles qui l’ont suivie quelle que soit leur perfection. Un esprit pénétrant peut y découvrir toutes les qualités qui dans les œuvres postérieures paraîtront à la lumière plus brillantes et plus nettes de manière à frapper les yeux même des moins clairvoyants. Le premier écrit est comme un principe audacieux dont tous les. écrits qui le suivent ne sont que les preuves et les conséquences. Heureux est celui à qui il est donné de tirer lui-même les conséquences de ses propres principes. Mais cela