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Page:Feuerbach - La Religion,1864.pdf/30

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XXI
PRÉFACE

nous leur attribuons ? À moins de se laisser aller à un matérialisme ridicule, n’est-il pas évident que les sentiments éveillés en nous par des circonstances comme celles que nous dépeint M. Renan n’ont aucun rapport avec la religion ? S’il en était autrement, comment se fait-il qu’il n’y a que des individus d’une éducation supérieure, c’est-à-dire le plus souvent antireligieux, qui les ressentent ? Il n’y a pas aujourd’hui un catholique capable de les éprouver. Celui qui possède la foi nouvelle, c’est-à-dire l’amant de la science, le croyant à l’avenir, celui-là seul peut être ému par le souvenir du passé, parce que seul il le comprend, parce que l’histoire lui en a révélé les souffrances et les aspirations. Les classes de la société actuelle qui s’opposent à tout progrès et à toute réforme, et qui conservent à outrance tous les dehors de la religion, en ont tellement perdu l’esprit, que cette poésie dont parle M. Renan leur est complètement incompréhensible. Qu’on leur présente une œuvre d’art qui soit le plus bel écho d’un passé qu’elles admirent, comme le Tannhauser, par exemple, elles n’ont pas d’oreilles pour entendre, et cependant l’art est le seul lien par lequel elles se vantent d’être encore attachées à la religion.

Personne ne soutiendra que tout ce qui s’est produit pendant le règne du christianisme est dû à son influence. Pour les meilleures choses, c’est souvent le contraire qui a eu lieu. La philosophie, le droit, la science, n’ont pu faire quelques pas qu’en luttant contre lui ; et il en est de même de l’art, bien qu’on ne s’en