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Le goût esthétique peut-il s’accorder avec le goût des glands ou de la chair crue ? L’estomac de l’homme cultivé n’est-il pas lui-même tout différent de celui de l’homme sauvage ? Ne voit-on pas fleurir la cuisine là où fleurissent les beaux-arts ? Le vin des dithyrambes mûrit-il là où l’on ne boit que de l’eau ? La beauté est-elle sentie, honorée et représentée comme une déesse là où l’on ne fait pas la cour à une Phryné ? L’idée du Jupiter Olympien peut-elle être imaginée et sculptée là où l’homme n’a pas un visage comme l’olympien Périclès ? L’esprit grec n’a-t-il pas besoin du corps grec, l’ardente imagination orientale du sang de l’Orient ? Le cœur féminin ne répond-il pas au corps féminin ? La femme, dont le sentiment est si tendre et si délicat, n’a-t-elle pas une peau plus fine et plus sensible, des os plus ténus, des nerfs plus grands en comparaison de son cerveau, que l’homme ? La jeune vierge n’a-t-elle pas de tout autres sentiments, de tout autres désirs et de tout autres pensées que l’enfant chez qui la différence sexuelle n’est pas encore devenue chair et sang ? Est-il possible de séparer l’âme, c’est-à-dire la qualité, le mode de la sensation, de la volonté et de la pensée, du mode, de la qualité de la manière d’être particulière du corps lui-même ?


L’homme se distingue de l’animal en ce qu’il est le superlatif vivant du sensualisme, l’être le plus sensible et le plus sensuel du monde. Il a les mêmes sens que l’animal, mais chez lui la sensation, au lieu d’être relative, subordonnée aux besoins inférieurs de la vie,