Page:Feuerbach - La Religion,1864.pdf/375

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
366
NOTES

précisément comme de nos jours, avec cette différence que les idées rationnelles et les nobles sentiments descendent aujourd’hui jusqu’au peuple, tandis que les idées et les sentiments populaciers envahissent l’esprit des savants et des hautes classes en général.

C’est ainsi que la théologie s’opposait à toute explication naturelle des choses. Lorsque Réaumur reconnut qu’une prétendue pluie de sang, considérée comme un signe terrible de la colère de Dieu, n’était pas autre chose qu’une masse d’excréments d’insectes et voulut démontrer par ce phénomène que la science délivre l’homme d’une foule de terreurs sans fondement, les journalistes de Trévoux lui opposèrent cette pieuse réflexion : « Le public a toujours droit de s’alarmer ; il est coupable, et tout ce qui lui rappelle l’idée de la colère d’un Dieu vengeur n’est jamais un sujet faux, de quelque ignorance philosophique qu’il soit accompagné, etc. » Ils pensaient, dit là-dessus Réaumur, que, pour exciter à la piété, il ne fallait pas s’embarrasser des idées exactes. Lorsqu’il prouva que la métamorphose des insectes n’était qu’apparente et ne pouvait pas être employée comme image de la résurrection, les mêmes journalistes lui en voulurent beaucoup parce que cette image était, pour ainsi dire, consacrée par l’usage qu’en faisaient les lumières de l’Église. Que dire des contradictions dans lesquelles les savants tombaient sans cesse, et dont ils ne se tiraient que par un acte de foi ! Un naturaliste plein de mérite, J.-Ch. Schoeffer, n’avait pour but dans ses recherches que l’intérêt de la religion, comme tous ses contemporains. Il partait de ce principe que Dieu, dans ses œuvres, n’a pas d’autre dessein que de se rendre visible, et d’exciter dans l’homme l’admiration de sa puissance et de sa bonté. Or, Dieu a donné à certains animaux des cornes remarquables et au rhinocéros, entre autres, une corne si visible et si saisissable que personne n’y peut méconnaître la puissance divine. Mais que doit-on penser de celles qu’il