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XXXV
PRÉFACE

fait d’un petit nombre : pourvu que ce petit nombre puisse se développer librement, il s’inquiétera peu de la manière dont le reste proportionnera Dieu à sa hauteur. » — En général, on peut dire qu’il n’y a nulle part moins d’idéal que là où règne la religion ; il n’y a le plus souvent que superstition et idolâtrie. La religion est toujours une affaire pratique, une expression de l’égoïsme de l’homme, et elle tend bien moins à satisfaire ses besoins moraux et intellectuels que son instinct de conservation. Si son étude ne le démontrait pas, l’histoire de tous les peuples qui dans l’Europe moderne se trouvent encore sous sa tutelle et croupissent dans la misère et l’ignorance, suffirait pour le dévoiler à tous les regards. Les théosophes et les éclectiques n’attribuent à la religion des effets bienfaisants sur le peuple que parce qu’ils attribuent en même temps au peuple leurs propres idées sur la religion. Mais supposons qu’il en soit ainsi que M. Renan nous l’assure : il arrive toujours un moment où les classes privées des autres moyens d’éducation, — pourquoi en sont-elles privées ? — arrivent à l’incrédulité complète. La triste réalité leur fait sentir et leur enseigne ce que la raison apprend au philosophe. À quoi se décider dans ce cas ? Comment ressusciter ce qui est mort, même avec la meilleure volonté du monde ? Il faut donc recourir à ces autres moyens que M. Renan semble ne pas vouloir employer. Parce que le privilège d’une éducation supérieure lui a été accordé, voudrait-il le garder pour lui et ses amis ? Est-