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XXXVIII
PRÉFACE

par le besoin qu’il ressent quelquefois de sortir du ton doctrinaire ; mais enfin, puisqu’il aime la drôlerie, — j’aime croire qu’il entend par là la vie, l’esprit, l’animation, — il devrait savoir que la religion n’est pas drôle, et que ce n’est pas à elle qu’il faut s’adresser pour faire naître dans le peuple un esprit nouveau et une vie nouvelle.

Si je voulais feuilleter les œuvres de M. Renan, j’y trouverais cent pages pareilles à celles que je viens de citer ; je montrerais chez lui à chaque instant des contradictions palpables : d’une part, des affirmations éloquentes dans le sens du progrès, de la justice et de la vérité, et de l’autre, des complaintes sur le temps présent qui témoignent de ses regrets d’un passé mal compris et de l’incertitude de sa pensée. N’ayant par lui-même aucune idée originale, aucune méthode particulière, aucune vue propre des choses, il est de ces hommes chez lesquels on trouve à côté l’un de l’autre le oui et le non, le tant pis et le tant mieux, et dont on ne peut citer une phrase qui les accuse, sans qu’ils en citent aussitôt une autre qui les absout. Son dernier livre, la Vie de Jésus, ne contient rien qui me permette de retrancher une seule ligne de la critique qui précède. Quel a été son but en l’écrivant ? Celui de dire aussi son mot pour ou contre la divinité du Christ ? Sans doute, mais en même temps il a voulu faire de l’histoire, recréer par intuition un événement plongé dans la nuit du merveilleux, et, la tradition une fois expurgée, nous montrer son tableau tel