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XLII
PRÉFACE

le lecteur verra comment il s’en est acquitté. Je n’ai voulu, pour le moment, que prévenir les consciences timorées contre cette espèce de frayeur que leur inspire la parole d’un homme convaincu qui ne cherche pas de détours pour dire ce qu’il pense. C’est en vain que l’on voudrait faire entendre que les hommes qui écrivent avec passion ne sauraient être justes ; l’homme intelligent et libre ne renoncera pas pour cela à son caractère guerrier, et il n’admettra jamais que l’ardeur à défendre la vérité et la justice soit une preuve de partialité.

Nous savons tous aujourd’hui que la vérité est comme une vie qui se développe sans cesse. À chaque époque l’homme se représente les choses d’une manière particulière, et chacune de ces manières est pour ainsi dire légitime, excusable, quoique fausse souvent, parce qu’elle est nécessaire. Le but de l’étude est de trouver le lien qui unit ces divers modes de penser et de sentir, de démontrer que sous toutes ces formes diverses l’esprit est toujours le même. La vérité d’aujourd’hui éclaire ainsi la vérité d’autrefois, mais en nous faisant comprendre que telle ou telle doctrine du passé eût été la nôtre au temps où elle s’est produite ; elle nous donne la conviction que ses fondateurs, s’ils étaient sincères et conséquents avec eux-mêmes, seraient aujourd’hui nécessairement avec nous.

De cette conscience toute nouvelle de nous-mêmes, il résulte que l’esprit humain est enfin parvenu à trouver le secret de sa nature, à découvrir les lois de son