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XLIII
PRÉFACE

développement. Désormais, connaissant la source de ses erreurs, le principe de sa force et de sa faiblesse, il se sent en pleine possession de lui-même et ne craint plus d’errer comme autrefois et de s’épuiser en de vains efforts. Avec l’aurore de cette conscience, tout a changé pour lui ; la vérité, autrefois expression de la fantaisie, exprime aujourd’hui et exprimera désormais la réalité inépuisable ; la science fait éclater de toutes parts les liens étroits dans lesquels la religion le comprimait. Arrivé à ce sommet sublime d’où il peut juger le passé et prévoir l’avenir, il efface de sa mémoire le souvenir des combats qu’il a dû livrer, des persécutions qu’ont subies ses représentants. Mais s’il offre l’oubli et le pardon à ses ennemis, il n’en est que plus sensible au manque de courage de ceux qui se proclament ses amis et le trahissent. Il ne faut donc pas s’étonner si ceux qui parlent en son nom mêlent à leurs discours un peu de colère et d’amertume.

En dépit de toutes les déclamations, il y a d’ailleurs dans l’ironie et l’invective bien plus de tendresse, bien plus d’amour de l’humanité que dans ces ménagements trompeurs, que dans cette doucereuse phraséologie et ce ton de convention qui dissimulent le mal sous prétexte de ne pas froisser des sentiments respectables, mais qui accusent une âme sans virilité et peu de haine pour le vice. L’ironie est la dernière arme de l’intelligence irritée, du cœur blessé, de la volonté opprimée. C’est le contre-coup dans notre esprit, l’expression involontaire, l’écho strident des dissonances qui résul-