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LA RELIGION

dorent plus la nature, c’est tout simplement parce que selon leur croyance, leur vie n’a pas sa source dans la nature, mais dans la volonté d’un être surnaturel. Malgré cela ils ne considèrent et n’honorent cet être comme l’être suprême que parce qu’ils voient en lui l’auteur et le conservateur de leur existence et de leur vie. C’est ainsi que l’adoration de Dieu n’est qu’une conséquence, une manifestation de l’adoration de l’homme par lui-même. Si je n’ai que du mépris pour moi-même et pour ma vie, — et dans l’origine l’homme ne fait aucune distinction entre sa vie et lui-même, — comment pourrai-je louer, honorer ce d’où provient cette vie méprisable ? La valeur que je donne à la cause de la vie ne fait qu’exprimer la valeur que sans en avoir conscience, je donne à la vie elle-même. Plus devient grande dans notre esprit la valeur de la vie, plus grandissent en importance et en dignité les dieux qui en sont les dispensateurs. Comment les dieux pourraient-ils briller dans l’or et dans l’argent, tant que l’homme ne connaît pas encore la valeur de l’argent et de l’or ? Quelle différence entre l’amour et la plénitude de la vie chez les Grecs et le vide et le mépris de la vie chez les Indiens ! mais aussi quelle différence entre la mythologie de la Grèce et les fables de l’Inde, entre le père Olympien des hommes et des dieux, et le grand serpent à sonnettes, ce père de la race indienne !

V

Les chrétiens se réjouissent de la vie tout autant que les païens ; mais ils adressent leurs prières et leurs actions de grâces au Père éternel qui est dans les