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L’ESSENCE DU CHRISTIANISME

capables de donner le mot de l’énigme, et Bossuet avait raison quand il leur disait (p. 82) : « Au reste, il n’y a rien de plus injuste que d’objecter à l’Église qu’elle fait consister toute la piété dans cette dévotion aux saints ; puisque, comme nous t’avons déjà remarqué, le concile de Trente se contente d’enseigner aux fidèles que cette pratique leur est bonne et utile, sans rien dire davantage : Ainsi, l’esprit de l’Église est de condamner ceux qui rejettent cette pratique par mépris ou par erreur. Elle doit les condamner parce qu’elle ne doit souffrir que les pratiques salutaires soient méprisées, ni qu’une doctrine, que l’antiquité a autorisée, soit condamnée par les nouveaux docteurs. » Bossuet cite souvent le concile de Trente (sess. XXV), sans s’apercevoir des avantages qu’il donne par là aux adversaires qui lui reprochent précisément ce que le concile de Trente et le second concile de Nicée avaient ordonné : « Le Concile conclut que dire, comme quelques-uns, qu’il faut avoir les images en vénération sans les adorer c’est se contredire manifestement, car… c’est faire des choses contraires que de confesser qu’on a de la vénération pour les images, et cependant leur refuser l’adoration, qui est le signe de l’honneur. C’est pourquoi le Concile ordonne non-seulement la vénération, mais encore l’adoration pour les images, parce que nul homme sincère ne fait difficulté de donner des marques de ce qu’il sent dans le cœur. » Bossuet donne même gain de cause aux iconoclastes quand il a l’imprudence (p. 261) de citer un passage de Cicéron pour prouver la superstition romaine, car ceux-ci n’ont qu’à rétorquer l’exemple en l’appliquant au culte catholique, et il n’aurait point dû reprocher aux païens (p. 263) ce qui suit : « Ils ne concevaient rien en Dieu, pour la plupart, qui fut au-dessus de l’effort d’une belle imagination. » Comme si les images catholiques n’étaient pas précisément les produits de l’imagination religieuse, comme si tout ce judaïsme platonisé et romanisé, connu sous le nom d’Église catholique, n’était essentiellement dû au travail de l’imagination la plus abondante, la plus magnifique !

Bossuet a raison, d’un autre côté, de blâmer des réformés qui cherchent a justifier le paganisme du reproche qu’on lui fait, d’avoir cru a la présence corporelle des divinités dans ses idoles : « Ce n’est qu’une exagération, comme fait M. de Condom (Bossuet), que de dire que leurs fausses dignités habitaient dans leurs ima-