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L’ESSENCE DU CHRISTIANISME

crescentia antem capillorum et unguium est de superfluitate et vitio naturae. Si enim non peccasset homo crescerent ungues et capilli ejus usque ad determinatam quantitatem, sicut in leonibus et avibus (Addit. Henrici ab Vurimaria ib.) » Ainsi les ongles et les cheveux, qui dans cette vie croissent toujours de manière qu’on est obligé de les couper quelquefois, seront là-haut comme ils auraient été si Adam n’eût pas fait sa chute. D’autres organes du corps auront également la qualité de ne rien avoir de repoussant.

Eh bien, pourquoi messieurs les modernes ne s’occupent-ils plus, comme les anciens, de cet objet particulier ? Parce que leur loi est une foi générale, vague, indécisément flottante, bref, une foi qui n’en est pas une, mais qui en a l’apparence à leurs yeux ils se trompent eux-mêmes, et pour ne pas perdre le peu de croyance qui leur reste, ils préfèrent de ne pas regarder les choses en détail et de ne tirer jamais les conséquences. C’est commode, mais peu religieux.

Ce qui rend difficile de bien pénétrer cet objet, c’est l’imagination, qui ne sait faire que de la confusion ; elle apporte d’un côté l’idée d’un seul Dieu personnel, et d’un autre côté l’idée d’un grand nombre de personnalités humaines. Mais au fond il n’y a aucune différence entre la vie absolue appelée Dieu et la vie absolue appelée Ciel par le mot Ciel on se représente in extenso, dans les dimensions de l’espace, ce que le mot Dieu exprime concentré sur un tout point. La foi qui prêche l’immortalité de l’homme, est la même foi qui enseigne la divinité de l’homme, et vice versa, la croyance en Dieu est la croyance à la personnalité pure, débarrassée de toute barrière et, partant, immortelle. On a beau ici chercher des distinctions entre Dieu et l’âme humaine immortelle, ce ne sont que des subtilités soit sophistiques, soit fantastiques : ce qui arrive, par exemple, quand on divise la félicité des habitants du ciel chrétien en degrés, quand on y établit des limites, etc.

L’identité des personnalités humaine et divine résulte déjà des démonstrations populaires qu’on donne de l’immortalité : « S’il n’y a pas une autre vie meilleure, Dieu ne serait ni bon ni juste : » — ici on fait dépendre la justice et la bonté divines de la continuation de l’existence individuelle, car sans justice et bonté Dieu n’est plus Dieu, donc l’existence de Dieu même n’y résulte que de l’existence des individus. Si je ne suis pas immortel, alors je ne crois pas en