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QU’EST-CE QUE LA RELIGION

dieu réel la foi intérieure, mais séparée de la tradition ; la foi à la Bible ; il s’occupe donc nécessairement de l’explication, de l’interprétation de ce livre, qui est véritablement la charte octroyée qu’il croit avoir reçue de son Dieu. Le protestantisme a pour dieu réel cette parole divine, l’Écriture, et rien que l’Écriture. Son culte, par conséquent, est pauvre, il s’adresse à l’ouïe et à l’entendement seuls, tandis que le catholicisme a une magnifique richesse en s’adressant non seulement à l’ouïe et à la vue, mais aussi à l’odorat par l’encens, au toucher de la peau par l’onction, par l’aspersion et par l’imposi-

    d’une sainte colère, elle se leva pour frapper le plus rude coup de tous qui jamais avaient été portés à l’Église romaine. Le jeune Martin Luther, attaquant le commerce des indulgences, fut dans la vraie logique religieuse quand il s’écria : Vous faites le trafic des âmes immortelles, c’est un péché infernal (Léopolde Ranke, Hist. des Papes, I, 76) et les gens du pape n’avaient rien à répondre. » — En France aussi le gigantesque duel à mort entre Rome papale et la réforme, devenait le combat du sensualisme papal et païen contre le moralisme protestant et évangélique, comme en Allemagne : mais la différence est qu’en France le sensualisme qui y régnait déjà depuis longtemps de fait, voulut enfin s’assurer son règne de droit, tandis qu’en Allemagne le spiritualisme (ou le moralisme, l’évangélisme, n’importe ici le nom) ne se contenta plus d’une domination de fait, il s’attaqua à l’Église pour pouvoir gouverner l’Allemagne de droit. (Voyez MM. Heinrich Heine, Le Salon II, et Louis Feuerbach, P. Bayle). En France le commencement du combat ressemble à celui en Italie ; Rabelais, Clément Marot, la reine de Navarre, luttent contre le papisme avec les armes de la satire la plus acérée et en même temps la plus leste, tandis que les réformateurs allemands combattent avec une intrépidité aussi chaste que savante, aussi héroïque que sombre. Mais remarquez-le bien, quand les iconoclastes méridionaux de Calvin brisent les idoles des saints, d’après l’exemple de l’image de la Sainte-Vierge brisée et trainée dans la boue à Paris, 1528, 31 mai (Hist. de la Ville de Paris, II, 982), le succès de la réforme commence à être compromis : probablement par la prépondérance déjà centralisatrice de la Commune de Paris (qui n’avait point à se plaindre de l’Église) et par l’antique antipathie internationale des Aquitains et des Français. Les autres motifs qu’on allègue pour expliquer la chute de la réforme en France comme réforme, sont ou secondaires et tertiaires, ou purement illusoires. En revanche, la réforme calviniste est absorbée par le catholicisme parisien, elle y éclate sous la forme républicaine de la Fronde, celle-ci mène par la conversion de Henri IV, par un des plus singuliers détours, à la réforme politique. — Ce qu’il y a de remarquable, c’est que les erreurs que Bossuet avait répandues, soit par ignorance, soit à dessein, sur l’essence de la réforme et sur son développement historique, ont encore aujourd’hui en France une certaine popularité. (Le traducteur.)