seur célèbre dont ils veulent entendre les leçons, d’une terre hospitalière qui ne refuse pas la sécurité à leurs travaux. Tantôt proscrits comme Henri Estienne et Hotmann, tantôt, comme Érasme, cherchant un abri qui les fuit toujours, ils traversent de grands pays, passent d’une ville dans une autre, vont porter d’académie en académie les trésors de leur science, et cependant, malgré les dangers, les fatigues et les maladies qui sont le tribut nécessaire de cette vie aventureuse, ils poursuivent et achèvent d’immenses travaux qui sembleraient plutôt le fruit lentement mûri d’une existence passée dans le calme de l’étude. Telle sera la vie d’Érasme pendant longtemps. Sa correspondance nous le montrera parfois dans la même année à Paris, à Louvain, à Londres, à Oxford et Cambridge. Nulle part il ne cesse un instant d’étudier, d’écrire. En voyage, « assis, cavalier étonné, sur une triste monture aussi étonnée que lui-même, » il compose des vers, comme Henri Estienne, note en courant les réflexions qui s’offrent à son esprit, corrige de mémoire une mauvaise leçon d’un manuscrit, ou lit le De Officiis de Cicéron qui le transporte d’admiration. En pareille compagnie, il peut braver les ennuis de la route, supporter avec philosophie la mauvaise odeur des poêles, les exigences des loueurs et des aubergistes « qui partout tendent leurs filets aux voyageurs. » Il consent à voir chemin faisant ses rares pièces d’or se transformer en menue monnaie de faux poids qui sera refusée à l’étape prochaine[1]. La seule richesse qu’il couve des yeux, et défendrait au péril de sa vie, c’est la caisse qui renferme ses manus-
- ↑ V. la relation de son voyage depuis Amiens jusqu’à Paris, ép. 81. C’est une page curieuse pour l’histoire du temps.