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PRESTIGE DE L’ITALIE.

envoie une hymne à sainte Anne, sa patronne, et des prières pour intercéder la sainte Vierge. Il lui parle de ses rêves généreux, il cherche à l’y associer, à séduire son cœur et son imagination. Quel honneur ne rejaillira pas sur son nom, si, grâce à elle, Érasme peut rendre à l’antique théologie la robe tout éclatante d’or que les scolastiques ont souillée et déchirée[1] ! Sans cesse il provoque le zèle de Battus ; il trace même le cadre des lettres que son ami devra écrire à la marquise, il lui recommande, « si sa religion lui permet quelque léger mensonge, de montrer à la marquise tout ce qui sépare Érasme de ses vulgaires rivaux, le prompt oubli réservé à leurs tristes bavardages, la gloire immortelle au contraire qui attend ses ouvrages[2]. » Le désir de visiter l’Italie se réveillait aussi plus vivement dans son esprit. Tout jeune homme de bonne famille, au temps de Cicéron, était tenu de faire une fois au moins le voyage d’Athènes, pour compléter ses études. Ainsi l’Italie, au siècle de la Renaissance, semblait le seul pays où put s’achever une éducation libérale. Les écoles d’Italie gardaient encore leur prestige. Les Italiens étaient réputés avoir seul le discernement exact et sur du vrai et du faux talent, et, pour conquérir parmi les savants une autorité qui ne fût pas contestée, il fallait avoir passé les Alpes et comme reçu de l’Italie ses lettres de naturalisation. On sait combien les Académies de France et d’Allemagne étaient jalouses de placer le nom d’un docteur italien sur les registres de leurs Facultés, et elles payaient cher ce luxe parfois inutile. Érasme accordait bien à l’Italie l’honneur d’avoir devancé les autres nations dans la carrière des études libérales ; ce qu’il sup-

  1. Ép. 92.
  2. Ép. 94.