Page:Feugère - Érasme, étude sur sa vie et ses ouvrages.djvu/53

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
31
PANÉGYRIQUE DE PHILIPPE LE BEAU (1504).

ils avaient traversé la France, avaient été reçus avec distinction par Louis XII. L’archiduc avait pris place, comme pair de France, au parlement de Paris, et prêté hommage au roi pour le comté de Flandre[1]. Mais en Espagne, Philippe, prince gai et ami du plaisir, n’avait pas tardé à se fatiguer de l’étiquette grave et triste de la cour de Ferdinand, et, malgré les prières passionnées de sa femme, il avait repris au milieu de l’hiver le chemin de la Flandre[2].

Tout cela, on l’avouera, fournissait à Érasme une assez pauvre matière pour un discours public. Aussi prit-il à contre-cœur cette tâche ingrate, et il ne commença à écrire qu’au moment où le prince rentrait dans ses États. Son discours bientôt achevé fut prononcé le jour de l’Épiphanie de l’année 1504 dans le palais de Bruxelles. Philippe l’écouta avec bienveillance, et, ce qui nous étonne davantage, sans embarras. Le style de cet éloge est d’une élégance apprêtée, ce qui est rare chez Érasme. D’ailleurs l’orateur n’évite aucun des écueils du genre, l’enthousiasme factice, les puériles exagérations ; il n’a garde de négliger ni les prédictions des astrologues promettant la défaite des Turcs et une longue vie à ce prince qui devait mourir deux ans après, ni la classique prosopopée de la patrie conjurant d’abord Philippe de suspendre son départ, et saluant ensuite son retour. Les honneurs intéressés rendus par Louis XII à l’archiduc amènent un éloge de la France et de Paris « qui peut montrer avec orgueil au monde, dit Érasme, un clergé florissant et instruit, des écoles plus fréquentées que

  1. Histoire de Charles-Quint, par Robertson, ch. 1.
  2. V. sur les rapports de Louis XII avec Philippe, et sur leurs intrigues dirigées contre Ferdinand, l’Histoire de France par M. Henri Martin, liv. 43, 44, 45, pass.