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JEANNE D’ALBRET

En labeur, en recoi[1],
Toujours est près de moi.


Telles sont, si l’on en croit la tradition, les paroles qu’elle accompagnait de son luth, en pleurant sur son veuvage. Mais bientôt il fallut quitter cette terre où elle avait trouvé une hospitalité si empressée ; il fallut voguer vers l’Écosse, à l’aspect sauvage, aux rudes et farouches habitants ; et tandis que Ronsard, s’associant à sa douleur, gémissait sur l’éloignement de Marie, elle répétait, dit-on, ces accents, en voyant nos rivages disparaître à ses regards[2] :


Adieu, plaisant pays de France,
 Ô ma patrie
 La plus chérie,
Qui as nourri ma jeune enfance !
Adieu, France, adieu mes beaux jours !
La nef qui disjoint nos amours
N’a si[3] de moi que la moitié :
Une part te reste, elle est tienne ;
Je la fie à ton amitié
Pour que de l’autre il te souvienne.


À côté de cette catholique sincère, dont le cœur fut celui d’une femme, plaçons une calviniste fervente et à l’âme vraiment virile, Jeanne d’Albret, la mère du meilleur de nos rois, cette princesse qui, suivant le

  1. Requies, repos.
  2. Il faut bien avouer que ces vers paraissent un souvenir des sentiments de Marie Stuart plus que leur expression véritable. (Voyez ce qu’en dit M. Rathery dans l’Encyclopédie des gens du monde, t. XVII, p. 342.)
  3. Pourtant, toutefois.