Page:Feugère - Les Femmes Poètes au XVIe siècle, 1860.djvu/111

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
87
JEANNE D’ALBRET

parler naïf d’un de nos annalistes[1], « s’est plu grandement en la poésie. » Quelques-uns de ses vers ont vu le jour ; mais l’auteur que nous citons nous apprend, et c’était l’usage, « qu’une infinité d’autres n’ont point été imprimés. »

Dans une visite qu’elle fit en mars 1566 au célèbre imprimeur Robert Estienne, que François Ier ne dédaignait pas non plus d’aller entretenir, elle improvisa un quatrain qui témoigne de son admiration pour la plus grande invention des temps modernes, aussi bien que de son zèle religieux :


Art singulier, d’ici aux derniers ans
Représentez aux enfants de ma race
Que j’ai suivi des craignants[2] Dieu la trace,
Afin qu’ils soient les mêmes pas suivants.


On aime à rappeler, comme une preuve du goût de ce ferme esprit pour les jeux de la poésie, que Jeanne d’Albret chantait un refrain béarnais au moment où Henri IV reçut la vie ; et il semble que cette franche et courageuse gaieté ait tout d’abord passé chez son fils. Compatissante pour les autres, autant que sévère pour elle-même, on n’oubliera pas qu’elle lui a donné l’exemple de ce gouvernement populaire qui rendit Henri si cher à ses sujets. Son caractère s’était trempé de bonne heure dans les circonstances difficiles contre lesquelles elle dut lutter. Ayant épousé à vingt ans, en 1548, Antoine de Bourbon, prince faible et irrésolu,

  1. Du Verdier.
  2. Le participe présent n’était pas indéclinable au seizième siècle.